top of page

A la mémoire de ma mère

Le printemps n'a jamais été aussi beau que ce matin.



Pluvieux et assombri par des ondées sauvages, parsemé de boutons blancs ou rosés prêts à éclore, toute cette nature resplendissante de puissance et de jeunesse prend la place qui lui revient.

Et dans cette farandole de la vie, le moindre souffle qui s’éteint devient une brise qui emmène au loin les pensées et les souvenirs de ceux qui ont été.


Au moment du lâcher prise du patient et des aidants, personne n’est jamais prêt.


Et les soignants non plus.

Que peuvent-ils offrir ?


Une sédation légère…laissant au patient le retour à une lucidité amère, stuporeuse à en être angoissante… entre les ré-injections de cette promesse de détente ?


Une sédation profonde…mais pas trop…laissant aux aidants les sons lugubres d’une agonie longue et entrecoupée de pauses, de silences ponctués de reprises et de râles trop amples et déchirants.


Oups, sédation profonde… mais pas plus, la limite est trop subtile pour ne pas risquer de « tomber » dans l’euthanasie…

Ce mot grossier qui autorise cette torture subtile et perverse de ces fins de vie.


Rien n’est confortable durant ce temps-là ni pour les patients, ni pour les accompagnants, fussent-ils soignants.


La délivrance viendra de ce dernier souffle attendu avec amertume et ambiguïté, voire confusion.


Alors oui, il est grand temps de légiférer, pour éviter que les familles ne soient contraintes de rentrer dans ce jeu coupable de solliciter aux soignants cette délivrance, avec la sensation décalée de ressentir, dans les yeux compatissants et/ou réprobateurs du médecin en charge, cette demande comme la quasi-exécution d’un meurtre de sang-froid.


Puisque l’on sait que cette sédation sera sans retour et que l’inéluctable est à venir, pourquoi prolonger ce supplice à fleur de lucidité pour le patient et à fleur de peau pour les accompagnants ?

S’endormir dans un soupir et non hoqueter dans un râle spastique, est-ce vraiment trop demander ?


Redonnons de la dignité à ceux que nous allons accompagner sur ce chemin et faisons en sorte qu’ils soient beaux, élégants et aussi fiers de partir que nous de les prendre par la main pour ce dernier voyage.

Mots-clés :

bottom of page